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ANALYSE GEOPOLITIQUE
État charnière entre l'Afrique occidentale et l'Afrique
centrale, le Cameroun, souvent présenté comme une Afrique
en miniature , occupe une position particulière sur la scène
africaine. Sa singularité géopolitique découle de
sa configuration territoriale autant que de son itinéraire historique.
Successivement colonie allemande, puis mandat de la Société
des Nations (SDN) et territoire sous tutelle de l'Organisation des Nations
unies (ONU) confiés à la France, le Cameroun fut le seul
pays de l'empire colonial français d'Afrique noire à accéder
à l'indépendance (1960) dans la violence. Celle-ci, plus
ou moins manifeste ou latente selon les périodes, ne l'a pas quitté
depuis lors. Sur fond de crise économique, les aspirations à
la démocratie s'expriment ouvertement depuis la conférence
franco-africaine de La Baule de juin 1990 ; elles ont conduit à
un bras de fer entre le président Paul Biya et une opposition déterminée
à obtenir un nouveau partage des pouvoirs qui révèle
la permanence de rivalités ethno-régionales.
Le tripode géopolitique
La diversité écologique et humaine de l'espace camerounais
fait sa richesse tout en posant le problème de l'unité nationale.
Plus de cent ethnies, réparties en une demi-douzaine de grands groupes
ethno-linguistiques, composent un paysage humain des plus bigarrés
entre les rives du lac Tchad au nord, les profondeurs de la forêt
équatoriale au sud et les massifs montagneux de l'ouest. Nord, Sud,
Ouest : la géopolitique camerounaise, sans se réduire pour
autant à une construction simplifiée, peut se lire commodément
à partir de cette trilogie.
Le Nord, constitué pour l'essentiel de plaines et, dans sa partie
méridionale, de plateaux qu'ourle le bourrelet surélevé
de l'Adamaoua, est un pays ouvert, à la végétation
de savane ou de steppe, propice aux déplacements des hommes et au
nomadisme pastoral. Ce milieu sahélo-soudanien a fonctionné
comme espace d'échanges, de migrations, et pour finir, de conquête
: la conquête musulmane, avec le djihad ( guerre sainte ) d'Ousman
dan Fodio au début du XIXe siècle, l'a soumis à la
domination des Peuls, appelés ici Foulbé, dont les chefferies
détiennent toujours une position politique dominante.
L'islam, sa religion et les pratiques sociales qui lui sont associées,
fait partie de la culture du Cameroun septentrional et contribue à
rapprocher des groupes ethniques de diverses origines. Des populations
animistes, dites kirdi ( païen ), ont toutefois échappé
à l'islamisation à la faveur des sites refuges qu'offrent
les monts Mandara aux reliefs volcaniques tourmentés. Longtemps
repliées sur elles-mêmes, rétives aux contrôles
administratifs, elles ont commencé à s'ouvrir sur l'extérieur,
à s'installer dans les plaines, où elles reçoivent
l'influence de l'islam.
Le Sud est un pays de forêts et de populations bantoues. Les solitudes
forestières du Sud-Est n'hébergent guère que quelques
bandes pygmées ¨ tandis que la région centre-sud
est beaucoup plus dense, principalement autour de Yaoundé. Les Peuls,
islamistes et éleveurs, n'ont pas pénétré la
forêt, redoutant pour leurs troupeaux la présence de la mouche
tsé-tsé, vecteur de la trypanosomiase. Aussi la place était-elle
restée libre pour le christianisme, qui sut s'implanter dans la
foulée de la colonisation. A la différence du Nord et de
ses puissantes chefferies, le Sud n'a pas connu de grandes organisations
politiques mais une fragmentation de l'autorité à l'échelon
des familles, des lignages et des clans.
Les peuples de la forêt, principalement ceux des régions
côtières, tels les Douala, tôt en contact avec les Européens,
ont été de bonne heure scolarisés par les missions
chrétiennes. Ils ont par la suite constitué une part importante
des élites qui ont pris la relève du pouvoir colonial, même
si, contrairement à leurs attentes, le premier président
de la République, Ahmadou Ahidjo, était nordiste, foulbé
et musulman.
A la dualité Nord-Sud, fréquente en Afrique occidentale,
s'ajoute l'existence d'une troisième entité : l'Ouest. Cet
ensemble régional est constitué pour l'essentiel de hautes
terres volcaniques, qui ont servi autrefois de refuge, en particulier aux
Bamiléké, peuple qui doit sa notoriété ¾
et parfois la crainte qu'il inspire ¾ à son dynamisme économique
et à son expansion spatiale. Les Bamiléké colonisent
les plaines agricoles à la périphérie de leur montagne
et, surtout, ils ont fait du port de Douala, capitale économique
(1,5 million d'hab.) et poumon du Cameroun, leur véritable bastion.
L'opération ville morte déclenchée en
juin 1991 pour paralyser le pays et faire tomber le pouvoir central témoigne
de leur force. Les problèmes de l'Ouest sont en outre compliqués
par un héritage colonial, unique sur le continent, qui en fait une
région partiellement anglophone dans un État majoritairement
francophone.
Suite à la défaite allemande en 1918, le Cameroun avait
en effet été démantelé, sa partie occidentale
revenant aux Britanniques. En 1961, après un référendum
organisé sous l'égide de l'ONU, le sud du territoire anglais
opta pour son rattachement au Cameroun, dans le cadre d'un État
fédéral, tandis que sa partie nord était intégrée
au Nigeria ¨. En 1972, le pouvoir central ayant affermi son contrôle
substituait à la république fédérale une
république unie du Cameroun qui devint en 1984 République
du Cameroun . De ce passé demeure un bilinguisme officiel, unique
en Afrique. Au début de l'année 1993, les partis d'opposition
de l'ouest camerounais ont revendiqué un retour au fédéralisme.
Une violence héritée de l'indépendance
L'accession à l'indépendance s'est déroulée
dans des conditions douloureuses pour les populations de l'Ouest camerounais.
C'est à Douala, dans un milieu syndicaliste issu de la Confédération
générale du travail (CGT), que Ruben Um Nyobe avait créé
en 1948 l'Union des populations du Cameroun (UPC). D'orientation marxiste
et révolutionnaire, l'UPC déclencha en 1955 une insurrection
en pays bassa et bamiléké où son audience était
forte. Le reste du Cameroun, contrôlé au Nord par une chefferie
musulmane méfiante envers un communisme athée et au Sud par
une classe politique issue des écoles chrétiennes et aspirant
au pouvoir, ne suivit pas.
L'armée française pacifia le pays bassa puis, après
1960, le pays montagneux bamiléké où la rébellion
s'était réfugiée. Les mêmes méthodes
qu'en Algérie furent alors appliquées, en particulier les
regroupements des populations dans des camps. Il en est résulté
une profonde altération de la distribution de l'habitat et une accélération
des migrations vers les villes. L'insécurité dans l'Ouest
ne prit fin qu'en 1970 avec l'arrestation du dernier chef rebelle. Le traumatisme
de cette véritable guerre civile a laissé des traces et les
peuples de l'Ouest camerounais, principalement les Bamiléké,
continuent à être redoutés par ceux du Nord et du Sud,
qui jusqu'alors se sont partagé le pouvoir d'État.
L'unité nationale dépend des équilibres ethniques
et régionaux. Le président Ahidjo, au prix d'une politique
intérieure sans doute très ferme, était parvenu à
la garantir, en même temps qu'il avait donné une image positive
de son pays sur la scène internationale. Sa succession, lorsqu'il
s'est retiré en 1982 au profit de Paul Biya, s'est pourtant mal
passée : le nouveau pouvoir sudiste a entrepris d'affaiblir le Nord,
en le découpant par exemple en trois entités administratives.
Depuis 1990 ce pouvoir, trop exclusif, est contesté par les forces
politiques du Nord et surtout de l'Ouest, et la vie politique camerounaise
ne parvient pas à sortir de ce jeu triangulaire exacerbé
en temps de crise économique.
En décembre 1992, les élections présidentielles
ont vu la victoire, plus ou moins contestée, du président
Paul Biya, dont l'adversaire John Fru Ndi, anglophone de la région
occidentale de Bamenda, affirme l'avoir emporté.
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